« Une chanteuse à courage »
Mes amis, les Frères Jacques, passaient à La Rose Rouge et ils m’ont demandé de venir écouter Juliette Gréco qui était dans le programme. Elle y obtenait un très grand succès, son personnage, son répertoire la plaçant déjà en marge de tout ce qui se faisait. Je l’ai invitée à ma table mais elle n’est pas venue.Elle avait enregistré chez Pathé, Si tu t’imagines, mais les responsables n’avaient pas jugé bon de sortir le disque. Je lui ai fait re-enregistrer et ce disque a été un formidable départ pour elle. Elle fut la première artiste à paraître sous la marque Philips.Je fus fier de l’accueillir aux Trois Baudets : elle appartient à cette race d’artistes qui appuient leur recherche de textes rares par un travail constant. Elle a toujours su s’entourer de musiciens excellents. Son premier accompagnateur qui avait été pianiste à la Rose Rouge fut l’extraordinaire Paterson. Sa douceur, sa patience et son dévouement étaient exceptionnels, et Juliette lui doit la mise au point d’un tour de chant qu’elle avait su très bien composer.
Elle savait se tirer des situations les plus délicates. Elle fit, par exemple, une première tournée « Festival du Disque » avec Robert Lamoureux. On ne peut pas dire que leurs deux styles soient complémentaires et les rieurs accourus pour Lamoureux lui menèrent la vie dure. Mais elle avait un moral de fer, et de cette épreuve, elle sortit… tête d’affiche aux Trois Baudets.
Juliette est une « chanteuse à courage », c’est-à-dire qu’elle sait se battre pour les nouveaux auteurs-compositeurs, souvent inconnus, ceux-là même qui débutaient aux Trois Baudets, tels Jacques Brel, Guy Béart et Serge Gainsbourg.
En 1966, elle retrouva Georges Brassens pour une série de récitals en co-vedettes, organisée au T.N.P.
Juliette a su diffuser l’image de la chanson française partout dans le monde et je lui ai organisé des galas dans toutes les capitales d’Europe et au Japon.*
*Extrait du livre et du coffret “Mes 50 ans de chansons françaises ».