“Un timbre de voix intime et un phrasé si particulier”

Je l’avais aperçu, tout à fait par hasard, au cours de la répétition d’une soirée privée qui devait être donnée au Théâtre des Champs-Élysées. Mouloudji chantait une ravissante petite chanson : Le mal de Paris. J’eus le coup de foudre pour ce jeune auteur-compositeur très doué, au timbre de voix intime et au phrasé si particulier. Il accepta de venir aux Trois Baudets.
Ce n’était pas un inconnu: il avait déjà publié deux livres et joué de nombreux rôles au cinéma. Enfant acteur, il venait d’accéder à une nouvelle notoriété d’adulte dans le film d’André Cayatte, Nous sommes tous des assassins.
Sa meilleure chanson, il la doit à Raymond Asso que j’avais connu à l’époque où j’enregistrais Piaf. Je l’ai retrouvé en octobre 1951 avec Claude Valéry. Ils étaient venus présenter deux nouvelles chansons à Maurice Chevalier. L’une s’intitulait : Comme un p’tit coquelicot… Ce n’était vraiment pas le style de Maurice qui se montra très embarrassé d’avoir à refuser quelque chose à des auteurs aussi importants et estimables. Maurice quitta la pièce pour différer sa réponse négative et j’en profitai pour dire à Asso que cette chanson me paraissait « sur mesure » pour Mouloudji. Comme un p’tit coquelicot… a été le détonateur de la carrière de Mouloudji.
Après une énorme carrière phonographique chez Philips, j’ai réalisé aux Productions Jacques Canetti quelques disques avec Mouloudji dont un consacré à Boris Vian. N’oublions pas qu’il fut le premier à enregistrer Le Déserteur.*

*Extrait du livre et du coffret “Mes 50 ans de chansons françaises ».