“L’un des plus grands amuseurs des Trois Baudets”
Raymond Devos est chronologiquement le troisième des grands amuseurs des Trois Baudets. Lorsque je consulte mes vieux programmes, je vois apparaître son nom pour la première fois avec celui de Roger Verbecke sous le pseudonyme des « Pinsons ». Ils formaient un très bon numéro burlesque de duettistes. Ils chantaient, s’interrompant souvent pour des commentaires cocasses.Ces « Pinsons » devinrent vite des habitués de notre salle et je les programmais chaque fois que l’horaire de Raymond Devos le permettait. En effet il appartenait à la Compagnie de Jacques Fabbri qui jouait au Théâtre du Quartier-Latin.
Dès la fin de 1955, Raymond Devos revint seul aux Trois Baudets pour y tester un sketch d’un ton tout à fait nouveau, qui s’intitulait La mer démontée. Il lançait ainsi son fameux style qui consiste à jongler avec les mots sans se départir de ce sérieux désemparé qui le rend irrésistiblement comique.
Il remplaça plusieurs fois Fernand Raynaud et l’accueil du public lui donna grande confiance.Cependant il hésitait à présenter un tour complet, il ne se sentait pas encore prêt.C’est à la fin mars 1956, que Raymond a officiellement fait ses débuts. Ce nouveau spectacle s’appelait Nouvelles têtes et bonnes manières. Lesdites «bonnes manières» consistaient en une sorte de manuel de savoir-vivre enseigné selon les principes d’Yves Robert. Le public découvrit avec surprise ces «nouvelles têtes» dont certaines, outre Raymond Devos, n’ont pas tardé à devenir des «Têtes».
A la suite de ce programme à grand succès, Devos affirma son emprise sur le public assez difficile des Trois Baudets, et accepta mon idée de participer au grand spectacle que je préparais avec Maurice Chevalier et l’orchestre de Michel Legrand à l’Alhambra. La nouveauté d’alors consista à faire passer Raymond quatre fois en scène entre les différents numéros de la première partie. Jeu dangereux qui peut rompre le rythme du spectacle tout entier. Raymond Devos prit le risque et gagna. Le succès tourna même au délire. Je décidai alors de réaliser dans ce même Alhambra le premier enregistrement public de Raymond Devos, avec ses quatre premiers sketchs : La mer démontée, Le pied, Caen, J’en ris et j’en pleure.
Comme il fallait s’y attendre, il eut son Grand Prix du Disque!
De tous les amuseurs qui ont pris leur essor aux Trois Baudets, Raymond Devos est sans conteste celui dont le registre est le plus étendu. Contrairement à beaucoup d’autres humoristes, il a un moral exceptionnel qui lui permet de mener à bonne fin tout ce qu’il entreprend. Pour devenir une énorme tête d’affiche internationale il ne souffre que d’un seul handicap, celui d’être intraduisible.*
*Extrait du livre et du coffret “Mes 50 ans de chansons Françaises ».